Que sont les soins palliatifs ? 30 ans d’histoire.
1986 : Année de la publication de la première circulaire reconnaissant l’existence règlementaire des soins palliatifs.
En 30 ans, beaucoup de chemin parcouru et encore beaucoup d’interrogations à venir !
Car les soins palliatifs ne sont pas, contrairement à ce qu’on peut croire, une réponse au problème de la mort. Bien entendu, ils ont à voir avec la mort, avec la fin de vie, et donc avec la vie.
Mais ici commencent quelques interrogations :
Les soins palliatifs ne sont, ni un ensemble de techniques, ni une organisation, ni un savoir scientifique homogène ou définitif, ni un corpus de connaissances philosophiques, sociologique ou psychologique.
Les soins palliatifs se nourrissent de toutes ces disciplines, jamais définis une fois pour toutes, ses frontières toujours en mouvement, ainsi que l’illustrent les débats récents sur les limites des soins à apporter auxquels sont confrontés nos concitoyens.
Alors peut-on les définir ?
Trop schématiquement (donc faussement) situés entre les phases curative et terminale d’une maladie, trop reléguées à cette phase dite « terminale » à laquelle elle ne saurait se confondre, les soins palliatifs trouvent leur place à tous les stades d’une maladie dès que celle-ci s’aggrave et qu’une menace vitale se profile. Mais cette discipline trouve-t-elle précisément cette place dans des institutions hospitalières en difficulté, dans une société où la maladie et la mort sont encore bien souvent occultés, au profit d’une image de jeunesse et de performance ?
Trop idéalisés aussi, comme pour échapper à la violence que la maladie grave suscite, les soins palliatifs ont été définis il y a quelques années comme une « démarche ». Ce vocable désigne au fond une discipline « en marche », un exercice « en train de se faire », assuré et assumé par des soignants qui cherchent et s’interrogent d’une « bonne façon de faire » auprès d’un malade et de ses proches, pour le soigner et le prendre en charge « globalement ».
De multiples questions émergent des consultations quotidiennes des soignants de soins palliatifs. Pour beaucoup, ces questions appellent une démarche éthique. Parmi elles :
« Comment prendre en charge et accompagner dans la durée une personne atteinte d’une maladie, cancéreuse ou neurodégénérative, évoluant depuis plusieurs années ? »
« Quelle place donner à la parole des proches dans la prise de décision de réanimer un patient très âgé, malade d’un cancer? bronchique en phase avancée et victime d’un infarctus ? »
« Comment accompagner les équipes de néonatalogie dans la prise en charge des grands-prématurés, réanimés et devenus autonomes sur le plan respiratoire mais porteurs de lésions neurologiques très graves ? »
(Fin de vie : des enjeux pour le système de santé – Rapport de l’Observatoire National sur la Fin de Vie 2011)
Et la question de l’euthanasie ?
Question de société plus encore que médicale, cette question existe en France. Mais, ainsi que l’a montré le rapport 2011 de l’ONFV?, elle est « importante, mais pas fréquente ».
Cette question existe aussi en creux, car elle est au cœur de témoignages reçus de nombreux patients : que répondre, que faire, auprès d’un patient qui réclame à en finir, estimant que sa vie n’a plus de sens ? Comment être rassurant face à un malade dont la souffrance morale défie toute forme d’empathie ? Ainsi que le montre la dimension psychique à l’œuvre, le désir de mort, d’où qu’il vienne, n’est jamais très loin…Faut-il alors opposer des convictions ou bien essayer de comprendre une détresse qui se fraie un chemin dans un discours ultime ?
Les enjeux des soins palliatifs pourraient être représentés par ces questionnements…
Le Dr Jean-Michel LASSAUNIÈRE, pionnier du développement des soins palliatifs en France, a considéré que les soins palliatifs étaient, dès 1980, une invitation à la réflexion sur la pratique de la médecine et sur la mutation du rapport de l’homme moderne à la maladie grave et la mort. Ils n’avaient pas pour but une démédicalisation de la mort, mais visaient à inventer une médecine technique au service de l’humanité de l’homme et des relations interhumaines.
C’est pourquoi, ils ne doivent pas seulement être proposés suite à l’échec des traitements curatifs. Mais être introduits, en parallèle des soins curatifs, dès lors que se posent les questions :
« Comment soigner une personne qui ne guérira pas ? » et/ou « Comment répondre aux attentes des malades qui traversent douloureusement les pertes de leur capacité à vivre ? »
Les réponses aux problèmes des maladies graves et chroniques sont trop souvent exclusivement techniques. La personne malade n’est jamais réductible à son état de maladie.
Si tel est le cas, il y a grand risque d’occulter de plus en plus le champ de la parole du malade, son vécu et sa souffrance.
L’enjeu des soins palliatifs est de s’intéresser plus à l’expérience subjective de la maladie qu’aux réponses techniques de plus en plus sophistiqués de la médecine.
Soigner un malade en soins palliatifs, c’est certes, essayer de la soulager le mieux possible de tous ses maux. Mais c’est aussi prendre le temps nécessaire à l’écoute, à la compréhension et à la prise en compte d’une volonté, d’un désir qui peuvent être difficiles à formuler, parfois même en contradiction avec nos propres principes. C’est privilégier l’autonomie du malade, c’est l’associer aux décisions, souvent délicates, qui concernent son existence.
En soins palliatifs, on cherche à être responsable pour les autres, plus encore que responsable des autres » (Emmanuel LÉVINAS)